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HS: Je viens de lire ta fiche et honnêtement, j'adore ton loup! Félicitations pour cette création!
Quel était ce sentiment étrange de plénitude qui m’encombrait ? Comment expliquer cet air béat sur mon visage ? Depuis que j’étais entrée sur les terres ancestrales, c’était comme si l’air autour de moi avait changé et était chargé d’un pouvoir attractif qui me rendait, contrairement à mon habitude, de bonne humeur. Nous marchâmes durant des heures entières, Morwën et moi, dans cette plénitude inexpliquée et pourtant, agréable. Pour une fois que je n’avais pas envie de tuer, pourquoi ne pas en profiter ? La balade, qui plus est, valait bien le détour. Les paysages étaient magnifiques et dégageaient une aura de puissance et de respect, que je ne pouvais que partager avec mon compagnon rapace.
Après une longue marche durant laquelle il vola sans prendre de repos, nous nous arrêtâmes devant un immense bâtiment fait de pierres pourtant vieilles, mais qui avait une allure neuve comme s’il était éternel.
Morwën vint se poser près de moi et je décidais de m’allonger à ses côtés, posant ma tête sur le sol et étalant ma truffe devant moi. Sa belle tête bleue vint se blottir dans les poils de ma joue et je ronronnais de plaisir face à ce contact unique qui m’était si précieux. Cela faisait trois ans qu’il veillait sur moi, et que je veillais sur lui. Probablement, mourrions-nous un jour, ensemble. Je savais qu’il nous serait impossible de vivre l’un sans l’autre, et je me doutais que lorsque le temps serait venu pour l’un de nous deux de quitter le monde des vivants, l’autre partirait avec lui. La vie l’un sans l’autre n’était pas concevable et pour ma part, je n’avais pas l’intention de connaître une existence solitaire et désespérée. S’il ne pouvait rester avec moi, alors je l’accompagnerais dans l’au-delà.
Cependant, ce jour où nous quitterions les êtres qui nous étaient chers, était encore loin devant nous et d’ici là, nous comptions bien prendre d’innombrables vies sans nous émouvoir, en prenant même plaisir à les voler. Mais hormis les meurtres qui nous attendaient, nous espérions connaître encore beaucoup de chose.
L’amitié, la confiance et peut-être même… L’amour… Je me souvenais alors qu’un jour, Morwën avait connu ce sentiment. Il avait été heureux pendant un temps, et nos meurtres avaient considérablement diminué en quantité durant cette période. Cette fougue ne dura que quelques mois, car la compagne de mon cher Morwën fut tuée par une buse, en plein vol. Eh oui, les rapaces eux-mêmes, ont leurs pires cauchemars. Tout ce que j’avais entendu, du sol, avait été les cris perçants poussés par la proie, et les sons déchirants qu’avait émis Morwën face à l’inévitable fatalité. Il avait vue mourir, en plein vol, sa bien-aimée.
De cette aventure, nous étions ressortis plus forts et plus sauvages encore. Face à cette tragédie, nous nous étions promis de ne jamais rencontrer qui que ce soit d’autre, à qui nous donnerions plus qu’un sentiment amical.
De rage de ne pas avoir pu venir en aide à mon fidèle compagnon, j’avais suite à cela, développé mon caractère sensuel et j’étais devenue, volontairement, une véritable menthe religieuse. Durant les deux années qui avaient suivies, j’avais dragué sans limites, entraînant mes partenaires dans de folles nuits d’une intensité sans égale. Et au lever du jour, alors que ces messieurs étaient à l’apogée de leur plaisir, je leur avais doucement, sadiquement, arraché la gorge de mes crocs.
En y rependant, c’étaient probablement les meurtres les plus plaisants que j’avais connus et provoqués. Rendez-vous compte, draguer, faire plaisir, exciter sans jamais passer à l’acte qu’ils attendent tous et, lorsqu’ils croient avoir eu mes plus belles avances et attendent l’ultime don de mon corps, les déchiqueter vivants. Lire la peur, que dis-je ? La terreur dans leur regard, sentir leur pouls s’accélérer, leur langue haleter pour tenter de capter l’air dont ils ont besoin pour survivre, quelle jouissance pourrait bien surpasser un tel don de soi ? Que pouvaient-ils me donner d’autre, de plus intense et de plus sincère, que leur amour ?
Il n’y a pas plus belle mort que celle de l’être aimé. Il n’y en a pas de plus terrible non plus. Morwën, avait connu le pire des sentiments. Pour ma part, je l’avais reçu sans conditions, sans limites. Et je l’avais renvoyé aussi vite que je l’avais exigé. Ces moments avaient été les plus beaux de ma courte et encore longue, existence.
Soudainement, je relevais la tête. Des murmures étaient parvenus à mes oreilles qui s’étaient instinctivement dressées dans la direction des sons. Regardant Morwën un instant pour connaître son avis, je me levais tranquillement et me mettais en marche vers l’intérieur de l’habitacle.
Mon faucon prit son envol immédiatement et je le vis filer droit dans l’embrasure de l’immense entrée du temple.
Quelques secondes plus tard, j’entrais à mon tour et me trouvais face à un loup, qui ne portait pas l’odeur de ma meute et que je n’avais jamais vu.
Cherchant le compagnon à plumes dont il avait probablement lui aussi été pourvu à sa naissance, je dénichais, dans un creux de la roche, un autre faucon. Etait-ce son compagnon, ou un simple volatile de passage ? J’avais du mal à croire à la première possibilité, car tous les loups en ce monde, étaient accompagnés en principe, d’un oiseau unique, qu’aucun autre loup ne pouvait partager.
Pourtant, c’était bien un faucon, qui se trouvait là, et je ne voyais aucun autre oiseau alentour. Morwën vint se poser sur une pierre tout près de moi et sembla aussi intrigué que moi de leur duo. Que pouvait-on avoir en commun de si exceptionnel, pour que l’on partage le même compagnon ?